Le travail de l'éleveur transhumant

Comment travaille un éleveur de montagne en Béarn ? Nous vous proposons de découvrir le travail d’un éleveur transhumant de brebis laitières au fil des saisons. De la montée en estive aux agnelages d’automne, en passant par les soins au troupeau et à la fabrication du fromage, on ne s’ennuie jamais !

Le printemps

Au printemps, la fabrication de fromage bat son plein. Avec la remontée des températures, l’herbe pousse et les troupeaux passent de plus en plus de temps dehors. La transhumance approche…

Le pâturage en zone intermédiaire

Dès les beaux jours, le troupeau prend la direction des zones intermédiaires, ces prairies communales situées au-dessus des villages, entre la ferme et l’estive. Certains y passeront l’été, mais pour la plupart, ces zones constituent le premier étage de la transhumance, avant le grand départ pour l’estive !

Entretenir ces pâturages est d’intérêt général : s’ils se couvrent de ronces, non seulement le troupeau n’a plus de nourriture, mais la biodiversité diminue, les paysages deviennent moins attrayants, les risques d’incendie et d’avalanche augmentent… En complément du pâturage, ces zones sont donc régulièrement écobuées pour éviter que les espèces invasives prolifèrent et que le paysage se referme.

La fabrication du fromage

La traite et la collecte du lait

traite en estive

La fabrication du fromage est un travail fastidieux qui commence avec la collecte du lait. 1 à 2 fois par jour, sur l’exploitation comme en estive, éleveurs et bergers s’attèlent à la traite de leur troupeau – manuelle ou mécanique – puis à la fabrication qui se fait le plus souvent le matin avec le lait fraîchement collecté et celui de la veille au soir.

Du caillage à l'affinage

fabrication fromage tomme béarn

La méthode de fabrication varie selon le type de fromage : pour la tomme béarnaise, le lait est mis à coaguler avec de la présure et des ferments lactiques. Une fois formé, le caillé est tranché plus ou moins finement et brassé tout en chauffant. Les grains sont agglomérés pour former une boule, que l’on place dans des moules et que l’on met sous presse pour bien évacuer le petit-lait. Retourné, salé, le fromage est ensuite placé dans des saloirs où il s’affinera.

Tommes et lactiques

dégustation vente fromages en estive

En Béarn, on produit principalement des fromages au lait cru et à pâte pressée non cuite : tommes de brebis, de vache, de chèvre ou mixte. Il s’agit de gros fromages de 4-5 kg qui offrent des notes florales et fruitées et un petit goût de noisette. Moins courants mais tout aussi savoureux, on trouve aussi des fromages frais ou semi-frais, dits « lactiques », à la texture fondante et au goût acidulé.

Pour plus de détails sur la fabrication du fromage, notamment en estive, rendez-vous sur notre site Estives du Béarn.

L'été

Pour les éleveurs qui transhument, l’été est synonyme de vie à la montagne, dans tout ce qu’elle a de beau… Et parfois de difficile ! Cette période que les hommes et les bêtes attendent avec impatience n’en est pas moins bien chargée, avec du travail en haut (fabrication, gardiennage, soins, vente en estive…) mais aussi en bas, où il faut faucher le foin et le regain en prévision de l’hiver.

La transhumance

Dès le mois de mai, bergers et troupeaux entament leur montée vers les estives et leurs promesses d’herbe bien verte. Temps fort de nos vallées, la transhumance rassemble éleveurs et habitants autour de rituels immuables : préparation des troupeaux, pose des sonnailles, hommage aux bergers, bénédiction… Et enfin, le grand départ vers les sommets ! L’impatience des troupeaux est palpable, celle de leurs accompagnateurs aussi. Les plus éloignés se rapprochent en camion mais tout le monde termine de rallier les cabanes à pied, au son des cloches et au rythme des animaux…

Ainsi, près de 250 bergères et bergers, parfois accompagnés de leur famille, prennent leurs quartiers d’été dans les pâturages du Haut-Béarn. Ils s’installent dans des cabanes aménagées pour poursuivre le travail : garde et soin du troupeau, fabrication du fromage… Avec leur brebis, vaches, chevaux, chèvres, ânes et cochons, ils participent à l’entretien de la montagne, offrant aux randonneurs et promeneurs des chemins praticables, en plus de produits d’exception et de traditions pastorales encore bien vivantes. Là-haut, certains découvrent le métier de berger pendant la saison d’été et reviennent quelques années plus tard, accompagnés de leur propre troupeau…

La vie et le travail en estive

La cabane

cabane berger montagne béarnaise

Le berger (et parfois sa famille) vivent durant l’été dans des cujalas ou cayolars appartenant aux gestionnaires d’estives : communes, commissions syndicales ou associations foncières pastorales. Si le confort y est rudimentaire, ce n’est rien par rapport aux cabanes d’autrefois : une pièce unique au plafond bas, sans isolation ni électricité ni eau potable… En 1998, la réglementation européenne a imposé la mise aux normes des cabanes fromagères. Les acteurs du pastoralisme béarnais se sont organisés pour aller au-delà et procéder à une « mise en conditions de vie » de ces cabanes.

Aujourd’hui, elles sont équipées de l’eau courante, d’électricité photovoltaïque, et d’une pièce séparée pour la transformation fromagère. Un nombre croissant (mais encore insuffisant) d’estives sont accessibles par des engins motorisés, permettant l’acheminement du matériel et la descente des fromages. La présence croissante de jeunes, de bergères et de familles atteste d’une amélioration des conditions de vie et de travail en estive, même s’il reste du chemin…

La journée du berger

garde troupeau estive

La journée de travail en estive commence avec la traite, manuelle ou mécanique. Démarrée entre 5h et 7h du matin, et ce par tous les temps, elle peut prendre jusqu’à 3-4h. Ensuite, la fabrication du fromage commence avec le lait de la veille au soir et celui qui vient d’être collecté.

Vers 11h, le troupeau part pacager, accompagné du berger et de ses chiens. Le lieu de pâturage change régulièrement selon un circuit bien défini, afin d’aller chercher la meilleure herbe. Le gardien assure la surveillance des bêtes, les soins à apporter, le salage des fromages de la veille, l’entretien de la cabane et du matériel… En fin d’après-midi, le troupeau rentre à la cabane. Et à 19h, c’est de nouveau l’heure de la traite : en bref, les journées en estive sont bien remplies.

Vers la mi-août, les brebis sont taries en prévision des mises bas d’automne : la traite et la fabrication s’arrêtent pour quelques mois. Le berger peut alors redescendre sur l’exploitation où du travail l’attend, comme le fauchage des foins et du regain en prévision de l’hiver.

La descente des fromages

descente fromages muletage

Les saloirs se remplissent vite en montagne, c’est pourquoi il faut redescendre les fromages en cours de saison.

Si les cabanes ne sont pas desservies par une route ou une piste, restent les solutions du muletage (c’est-à-dire le transport des marchandises par des ânes) et de l’héliportage en fin d’été pour rapatrier les fromages.

La descente doit être effectuée rapidement, car les produits en plein affinage ont besoin de la fraîcheur et de l’humidité d’un saloir pour se développer correctement. Elle nécessite donc une bonne organisation…

Le gardiennage du troupeau

Les chiens

chien de travail labrit

Les chiens de travail sont les auxiliaires indispensables du berger et l’aident à rassembler et déplacer le troupeau. Sans lui, l’humain serait bien démuni…

Le labrit (ci-contre), le berger des Pyrénées et le border collie sont les deux races que l’on retrouve le plus fréquemment dans nos montagnes.

Dressés pour la conduite du troupeau et habitués aux commandes à distance, ils sont incroyables à regarder travailler : vous pourrez les admirer à l’œuvre lors des nombreux concours de chiens de berger régulièrement organisés dans nos vallées, ou si vous avez de la chance, à distance lors d’une randonnée…

chien protection patou

Les chiens de protection, eux, grandissent au milieu des brebis, pour lesquelles ils développent un fort attachement. Le montagne des Pyrénées (plus communément appelé patou) est là pour défendre le troupeau contre les intrus et prédateurs : chien errant, ours, loup, lynx… Son gabarit imposant et ses aboiements sonores sont faits pour dissuader ; toutefois, si la menace se rapproche, le patou peut attaquer.

Sa présence croissante dans nos montagnes est directement liée à la progression des prédateurs. Elle occasionne parfois des incidents avec des randonneurs qui ne savent pas quel comportement adopter face au patou… Ce que nous sommes les premiers à déplorer.

⚠️ Que faire si vous croisez un patou en montagne ? Restez bien à l’écart du troupeau : contournez-le largement, et ne cherchez surtout pas à le traverser. Gardez votre calme, ne courrez pas, ne faites pas de gestes brusques et ne tentez pas de caresser le chien.

👉 Pour plus de renseignements, découvrez les bons comportements à adopter en montagne.

La prédation

Comment parler de l’estive, sans aborder le sujet épineux de la prédation ? Qu’il s’agisse de la réintroduction de l’ours ou de la réapparition du loup, la présence sur le territoire de ces grands prédateurs constitue une menace permanente pour nos métiers et nos pratiques. Les mesures de protection des troupeaux (gardiennage, chiens de protection, clôtures électrifiées…) ont une efficacité limitée. De plus, elles sont coûteuses, contraignantes, réduisent fortement la viabilité des exploitations, impactent le paysage et accentuent les conflits entre usagers de la montagne, comme l’a montré l’étude d’impact de la mise en place des mesures de protection des troupeaux contre les prédateurs sur le territoire des Pyrénées-Atlantiques.

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’ours et le loup… Mais de reconnaître que la sauvegarde du pastoralisme et celle des grands prédateurs sont deux objectifs contradictoires, qui ne peuvent être poursuivis sur le même territoire. Pourquoi vouloir réintroduire à tout prix l’ours dans les Pyrénées-Atlantiques, alors que près de la moitié du cheptel qui transhume dans le massif des Pyrénées le fait sur ce département ?

Par ailleurs, la modification des pratiques pastorales imposée par la présence des prédateurs a aussi des conséquences pour les autres usagers de la montagne : présence de nombreux patous et incidents avec les randonneurs, multiplication des clôtures, enfrichement par abandon du pâturage sur les estives… Ces conséquences, nous sommes les premiers à le déplorer : elles ne reflètent pas la volonté des éleveurs, mais les impasses engendrées par la présence des prédateurs dans des zones pastorales.

L'automne

En automne, la fabrication de fromage est à l’arrêt et l’estive se prolonge dans les zones intermédiaires jusqu’aux premières neiges… Il est alors temps de rentrer à la ferme pour préparer les mises bas !

La descente des estives

Lorsque l’été touche à sa fin, l’herbe des pâturages devient moins appétante, les températures baissent, les brebis sont pleines… Courant septembre ou début octobre, c’est le moment pour tout le monde de regagner la ferme !

La période de l’agnelage approchant, il est essentiel de redescendre les brebis avant qu’elles ne soient trop proches du terme, et de ne pas se faire surprendre par les premières neiges. Troupeaux, bergers et chiens repartent donc à pied, tandis que le matériel et les fromages sont acheminés en voiture, en hélicoptère ou à dos d’âne. Tout ce petit monde s’en va passer l’hiver au chaud, rêvant déjà à la prochaine transhumance…

descente troupeaux estives

La tonte

En Béarn, la tonte se fait plutôt avant l’entrée en bergerie, au retour des troupeaux transhumants. Elle peut aussi se faire avant de monter en estive, vers mai/juin, ce qui est plus fréquent au Pays Basque. 

Le plus souvent, le berger fait appel à des tondeurs professionnels, qui doivent faire preuve d’une grande dextérité car les brebis sont nombreuses… et remuantes !

Les naissances

agnelage

L’automne-hiver est la période des naissances. Après 5 mois de gestation pour les chèvres et brebis et 9 pour les vaches, la mise bas est un moment important. Elle permet le renouvellement du troupeau et le démarrage de la lactation… donc de la fabrication du fromage ! 

Dans nos vallées béarnaises, l’agnelage commence peu après la descente des estives, c’est-à-dire à partir de la mi-octobre, et s’étend jusqu’au mois de janvier. C’est une période de travail intense pour les éleveurs, prêts à intervenir 24h/24 si les choses se compliquent. 

Regrouper les naissances pendant la saison froide permet de les gérer plus facilement, et minimise les risques de pertes (les animaux passant plus de temps en bâtiment en hiver). Avoir un pic de lait au début de l’été représenterait un surplus de travail énorme, alors que beaucoup d’éleveurs sont en estive et doivent également faire les foins. Les mises bas en hiver créent une meilleure répartition des tâches sur l’année.

Le travail des organismes de sélection (OS) a permis d’améliorer la génétique des animaux, entre augmentation de la production et préservation de la rusticité des bêtes. Pour cette raison, la majorité de nos éleveurs ont fait le choix des races locales, adaptées au climat de montagne : brebis basco-béarnaises et manech tête noire ou tête rousse, vaches béarnaises, chèvres pyrénéennes…

L'hiver

L’hiver est une période également bien remplie pour nos éleveurs. Une fois les naissances passées, la lactation redémarre et avec elle, la fabrication du fromage. En parallèle, il faut assurer les soins aux animaux, l’entretien des pâturages, la gestion de l’exploitation, la vente…

Les soins au troupeau

En hiver, les bêtes restent au chaud et ne peuvent donc pas pâturer. L’alimentation du troupeau (foin, regain, céréales, concentrés…) représente donc une part importante des soins à cette période.

En parallèle, l’éleveur continue de veiller à la bonne santé des bêtes : on surveille la présence de parasites et l’apparition de maladies, les boiteries causées par le piétin ou le panaris, l’état du transit…

Le parage (soin des sabots) doit aussi être fait régulièrement.

soin troupeau bergerie

Les feux pastoraux ou écobuages

écobuage brûlage pastoral

L’écobuage, aussi appelé brûlage pastoral, est une technique d’entretien des pâturages par le feu, qui se fait durant la période de repos de la végétation. Cette pratique ancienne permet d’assurer la bonne alimentation des troupeaux en estive, en évitant la colonisation des prairies par des espèces peu appétantes (fougères, genêts, bruyères…) Mais l’écobuage ne profite pas qu’aux bergers et à leurs bêtes : véritable outil d’aménagement du territoire, il joue un rôle essentiel dans la prévention des avalanches et incendies, participe au maintien des milieux ouverts et favorise la biodiversité. Sur des espaces peu accessibles et/ou à forte pente, il est souvent la seule solution viable pour entretenir la montagne.

Cette pratique comportant des risques, elle est réglementée par arrêté préfectoral, encadrée par un Plan Départemental d’Ecobuage et organisée de façon collective, au plus près du terrain. Dans chaque commune, des Commissions Locales d’Écobuage (CLE) réunissant élus, éleveurs, techniciens pastoraux, agents forestiers, chasseurs, pompiers, etc. instruit les demandes d’écobuage et planifie les chantiers. Certaines mises à feu sont organisées de façon collective par les communes, mais ce sont bien souvent les éleveurs qui mènent les opérations. Ils doivent pour cela attendre que les bonnes conditions météorologiques soient réunies pour écobuer en sécurité.