Vous les avez peut-être déjà vues, ces fumées qui s’élèvent des montagnes pendant la période hivernale… Chaque année à la fonte des neiges, les Pyrénées s’embrasent : c’est l’écobuage, une tradition séculaire et pourtant encore bien d’actualité. Autrefois bien connus et acceptés, les feux pastoraux suscitent aujourd’hui bien des interrogations… Auxquelles nous allons tenter de répondre.
L’écobuage : définition
Dans les vallées béarnaises, l’écobuage (ou brûlage pastoral) est une technique d’entretien des pâturages par le feu. La partie aérienne de la végétation est brûlée pour renouveler l’herbe et lutter contre l’enfrichement des prairies. Cette technique est utilisée en montagne où le terrain en pente ne permet pas l’emploi des machines, sur des landes, touyas, fougeraies, herbages, chaumes et broussailles, à l’exception des formations boisées.
L’écobuage est une pratique agricole très ancienne et répandue à travers le monde. A l’origine, il permettait de défricher des espaces rapidement, mais aussi de préparer le sol avant sa mise en culture. Les mottes de terre étaient retournées, laissées sur place à sécher puis brûlées. La cendre était ensuite répandue pour fertiliser le sol. Toutefois, cette technique de brûlis a progressivement été abandonnée au profit des engrais, et de l’incinération des végétaux sur pied dans les prairies et pâturages en pente.
Quelle est la réglementation en matière d’écobuage ?
Textes officiels
La réglementation en matière d’écobuage est définie dans chaque département par arrêté préfectoral. C’est un principe dérogatoire à l’interdiction des feux.
Dans les Pyrénées-Atlantiques (64), c’est l’arrêté du 22 octobre 2012 qui fixe les conditions pour le brûlage des végétaux sur pied. Celui-ci est autorisé du 15 octobre au 31 mars sous certaines conditions, avec une prolongation possible en montagne jusqu’au 30 avril.
Obligations des demandeurs
Toute personne qui souhaiterait procéder à un écobuage doit adresser une demande écrite à la commune concernée, au moins un mois avant le démarrage de la saison. C’est le maire qui délivre les autorisations d’écobuer, hormis dans la zone cœur du Parc National des Pyrénées où il faut s’adresser directement au directeur du Parc. L’autorisation vaut pour toute la saison : le jour précis de la mise à feu est décidé en fonction des conditions météorologiques.
Le matin du chantier, le responsable a l’obligation de prévenir le Service Départemental d’Incendie et de Secours ainsi que le maire – qui prévient à son tour la gendarmerie et l’Office National des Forêts. S’il ne peut joindre le maire, il doit les prévenir lui-même avant de démarrer les opérations. En cas de débordement de feu, les pompiers doivent être avertis sans délai pour éviter toute
Quelle que soit la surface à écobuer, 4 personnes minimum doivent assurer la surveillance du feu et ce jusqu’à son extinction complète. La préparation du chantier implique la réalisation de pare-feux aux abords des zones sensibles (lisières de forêt, habitations…) et le placement de panneaux pour avertir les randonneurs sur tous les sentiers proches de la zone qui brûle. Ceci, afin d’éviter les accidents et débordements.
Ecobuages et feux sauvages
En cas de conditions exceptionnelles (sécheresse, pic de pollution…), le préfet peut interdire l’écobuage jusqu’à nouvel ordre. Tout feu allumé hors des périodes officielles ou qui n’aurait pas reçu d’autorisation est considéré comme un feu sauvage. Il faut bien distinguer les deux car dans le second cas, c’est une infraction punie par la loi. Les sanctions peuvent aller de la simple amende à des condamnations plus graves.
Organisation des brûlages
La plupart des communes organisent leurs brûlages au sein des Commissions Locales d’Ecobuage (CLE), qui réunissent les responsables de chaque chantier, mais également des animateurs pastoraux, pompiers, techniciens de l’ONF… Les CLE formulent des avis à l’attention du maire (qui décidera ou non de l’autorisation) ainsi que des recommandations pour la bonne organisation des chantiers.
Avec 3200 chantiers annuels, les Pyrénées-Atlantiques font partie des départements où les brûlages sont les plus fréquents. Pour organiser, gérer, responsabiliser et maîtriser la pratique du feu, un Plan Départemental d’Ecobuage a été mis en place, dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée à l’Association des Elus de Montagne 64 et la maîtrise d’œuvre à la Chambre d’Agriculture.
Pourquoi écobuer ? A quoi sert l’écobuage ?
Si la plupart des écobuages sont des feux pastoraux, rappelons qu’il n’y a pas que les bergers qui ont intérêt à brûler… En effet, les feux dirigés sont aussi utilisés comme un outil d’aménagement du territoire.
Dans les vallées béarnaises, l’écobuage a trois fonctions principales :
- Entretenir les pâturages : écobuer régulièrement permet de renouveler l’herbe disponible pour les troupeaux en montagne.
- Maintenir les milieux ouverts : De nos jours, le pâturage seul ne suffit pas à entretenir les sentiers de randonnée et empêcher la fermeture des paysages. Sans brûlages réguliers, les pelouses que nous apprécions tant disparaîtraient progressivement au profit des landes et des forêts.
- Prévenir les incendies : Les zones embroussaillées favorisent la propagation du feu. Les brûlages permettent de créer des « ruptures de combustible » et donc de maîtriser les risques en cas d’incendie. C’est ce qu’on appelle la gestion intégrée du feu. Certaines zones comme les abords du bois du Chimits à Aydius (64) font l’objet de brûlages préventifs, mais c’est surtout dans le Sud et le Sud-est de la France qu’ils sont pratiqués en raison de la sensibilité de ce territoire aux épisodes de sécheresse.
Quels sont les risques de l’écobuage ?
L’écobuage est une pratique dangereuse, c’est pourquoi elle est strictement encadrée, organisée collectivement en fonction des enjeux sur chaque zone, et pratiquée par des personnes expérimentées. Savoirs et techniques se transmettent depuis des générations pour maîtriser les feux et limiter les risques. La sécurité est un enjeu primordial pour tous les acteurs du territoire.
Pour lancer un chantier d’écobuage, les conditions doivent être favorables : beau temps, végétation sèche et absence de vent.
Malgré les précautions prises, il arrive que le feu ait un comportement inattendu. Mais les débordements restent exceptionnels : dans le département des Pyrénées-Atlantiques, les pompiers interviennent sur 1 à 2% des 3 200 chantiers réalisés chaque année.
Quelles sont les conséquences d’un écobuage ?
L’écobuage est souvent opposé à la préservation de l’environnement. Pourtant, l’impact du feu sur les milieux est plus complexe qu’il n’y paraît et mérite qu’on s’y attarde…
Le feu semble laisser derrière lui un paysage désolé. Pourtant, il ne faut que quelques semaines à la végétation pour repartir après un écobuage maîtrisé ! Réalisé en période hivernale, sur des sols froids et humides, il ne brûle que la litière, la couche superficielle qui recouvre le sol. Les racines sont laissées intactes, de même que les graines, champignons et autres micro-organismes enterrés.
Cela peut sembler contre-intuitif, et pourtant le feu peut même être bénéfique à la biodiversité : en contenant les plantes invasives (genêt, bruyère, fougère…) et éliminant la couche de limbes mortes, il fait de la place à d’autres espèces végétales qui ne pousseraient pas autrement. De plus, la cendre fertilise les sols et stimule la croissance des végétaux.
On ne peut nier que les brûlages génèrent de la fumée et des polluants, heureusement limités à une dizaine de jours dans l’année. Lorsque les conditions météorologiques favorisent la stagnation de l’air, ces fumées ont du mal à s’évacuer et s’additionnent aux gaz d’échappement des voitures et camions, ainsi qu’aux fumées du chauffage au bois, provoquant des pics de pollution. Pour éviter ces phénomènes, les communes s’organisent pour étaler les chantiers d’écobuage, et des expérimentations sont en cours pour mieux intégrer les données météo.
Organiser sa sortie en période de brûlage
Vous souhaitez randonner dans nos montagnes pendant la période de mise à feu ? Une carte des écobuages est mise à disposition du public par la Chambre d’agriculture 64, pour vous permettre d’organiser vos sorties
Pour en savoir plus sur l’écobuage
Cet article vous a donné envie d’approfondir le sujet ? L’Association des Eleveurs et Transhumants des Vallées Béarnaises a réalisé Comprendre l’écobuage dans les Pyrénées-Atlantiques, un film pédagogique pour répondre aux questions du public sur le sujet. Consultez notre site régulièrement pour connaître les dates des prochaines projections, et n’hésitez pas à nous contacter pour en organiser une près de chez vous !