Le rôle du pastoralisme
L’histoire des Pyrénées est étroitement liée à celle du pastoralisme : difficile d’imaginer les vallées du Béarn sans troupeaux qui pâturent, leurs sonnailles résonnant dans la montagne… Alors que l’avenir de nos pratiques est incertain, rappelons les liens ancestraux du pastoralisme avec le territoire béarnais, ainsi que le rôle économique, socio-culturel et environnemental qu’il y joue depuis des millénaires.
Qu’est-ce que le pastoralisme ?
Le pastoralisme : définition
Le pastoralisme valorise l’herbe comme principale ressource fourragère. C’est l’élevage de bétail sur de grands espaces ouverts : les pâturages. Les troupeaux sont conduits sur les prairies de basse montagne (les zones intermédiaires) et/ou sur les estives : on parle alors de transhumance.
Alors que la logique de l’élevage intensif est de maximiser la rentabilité à l’hectare, le pastoralisme est un mode d’élevage extensif où la densité d’animaux est faible et la production moindre, mais plus qualitative. L’utilisation des ressources naturelles, comme l’eau et l’herbe, permet de minimiser le recours à des intrants (fourrage, céréales, produits chimiques…) et valorise des espaces de montagne qui se prêteraient difficilement à d’autres activités économiques.
Un mode d'élevage vertueux
Ainsi, le pastoralisme crée un cercle vertueux entre bergers, troupeaux et territoires, les uns rendant service aux autres.
L’élevage en extérieur implique le recours aux races locales (brebis basco-béarnaises, manech tête noire et tête rousse, vache béarnaise, chèvres des Pyrénées…), rustiques et bien adaptées au climat. Nos pratiques contribuent donc à la préservation de ces races, évitant la standardisation de l’élevage et garantissant la typicité des productions.
En Béarn, le pastoralisme est caractérisé par une gestion en bien commun des espaces pastoraux et de forts liens entre les éleveurs transhumants et les élus gestionnaires d’estives (dont la plupart sont réunis au sein de l’Institution Patrimoniale du Haut-Béarn). La moitié du cheptel qui transhume dans le massif des Pyrénées le fait sur les estives de notre département, les Pyrénées-Atlantiques.
Si l’on pense tout de suite aux brebis, majoritaires dans nos montagnes béarnaises, le pastoralisme se pratique aussi avec des vaches, des chevaux, des chèvres, des cochons, des ânes… Bref, tout troupeau friand des ressources qu’offre la montagne !
Une pratique ancestrale… Et d’avenir
7000 ans de pastoralisme
Ils nous sont familiers, et pourtant… Saviez-vous que ces paysages de montagne que nous aimons tant ne sont pas le fruit d’une évolution naturelle, mais d’un pastoralisme multimillénaire ?
Voilà 7 000 ans que le pacage des troupeaux crée et maintient les milieux ouverts, empêchant les prairies d’évoluer en friches impraticables.
Si tant d’espaces d’altitude s’offrent aujourd’hui aux promeneurs et randonneurs, c’est en grande partie grâce aux bergers et pâtres, et à leurs bêtes…
Une pratique bénéfique au territoire béarnais
Au cœur de la vie des montagnes, le pastoralisme appartient au patrimoine béarnais et contribue largement à la renommée du territoire, attirant chaque année de nombreux touristes. Sur des terres peu propices à l’activité économique (dénivelé, accessibilité, climat…), il crée de la valeur tout en participant à l’aménagement rural, la préservation de la biodiversité, la prévention des risques naturels tels que les feux de forêt ou les avalanches… Respectueux des animaux et de l’environnement, il est une réponse aux défis écologiques de notre époque, en alliant production de viandes et fromages savoureux et participation à l’équilibre des écosystèmes montagnards.
Maintenir ces pratiques, ce n’est pas seulement garantir l’avenir d’une profession. C’est aussi préserver une histoire, un patrimoine, des savoirs et savoir-faire, des valeurs, des produits typiques, des relations d’interdépendance vertueuses et porteuses de sens. La sauvegarde de cet héritage va de pair avec une modernisation de nos pratiques pour les adapter au contexte et aux enjeux actuels. Sur notre territoire, la gestion en patrimoine commun a permis de nombreuses améliorations des conditions de vie et de travail des éleveurs, notamment en estive – et ce travail doit se poursuivre, en bonne intelligence entre tous les acteurs du monde pastoral.
Les défis du pastoralisme en Béarn
Bien que le pastoralisme soit encore très présent en Béarn, des menaces bien réelles pèsent sur nos pratiques et dessinent un avenir incertain. Voici quelques enjeux auxquels notre profession est actuellement confrontée :
Installation de jeunes et transmission des fermes
L’accès aux terres agricoles est un défi de taille, entre morcellement du foncier et concurrence avec d’autres usages de la montagne (tourisme, chasse, exploitation forestière, production d’énergies renouvelables…) Dans nos vallées, les trois quarts des éleveurs de plus de 50 ans n’ont pas de suite certaine, et les installations se comptent chaque année sur les doigts d’une main. La baisse d’attractivité de la profession complique la transmission des exploitations (peu de candidats à la reprise) et le recrutement d’une main d’œuvre qualifiée.
Inflation et concurrence internationale
Comment faire coïncider le pastoralisme issu d’une tradition paysanne avec les exigences modernes de compétitivité, sans dévoyer nos métiers ? Nos filières locales souffrent d’une forte concurrence internationale, heureusement balancée par le désir des Français de consommer en circuit court. Mais ce contexte auquel s’ajoute la hausse des coûts crée une forte pression sur les éleveurs et nécessite de trouver des solutions pour améliorer la rentabilité et l’autonomie des exploitations.
Changement climatique et hausse de la prédation
A cela s’ajoutent les effets du changement climatique sur les ressources en eau et en herbe, et l’accroissement de la prédation. La présence d’ours et de loups nécessite des mesures coûteuses (multiplication des chiens de protection, parcs de nuit électrifiés, renforcement du gardiennage…), souvent peu efficaces et qui causent d’autres problèmes, comme les incidents entre chiens de protection et randonneurs. La situation est parfois si inextricable qu’elle entraîne des abandons d’estives jugées trop à risque, la réduction voire l’arrêt de la transhumance par certains bergers…
Un modèle à maintenir et développer
Plusieurs fois au cours des dernières décennies, le pastoralisme est apparu comme une pratique archaïque, démodée… Posant la question de sa légitimité dans la montagne. Pourtant, il est une alternative crédible à l’élevage intensif et aux productions hors sol. En produisant moins mais mieux, il répond à la demande bien légitime d’une agriculture respectueuse de l’environnement, de la santé et du bien-être animal, bien ancrée dans les territoires.
Nous ne sommes pas les seuls à parier sur le pastoralisme : en juin 2020, la transhumance pratiquée par les bergers et éleveurs français a été reconnue comme Patrimoine Culturel Immatériel en France. Une première étape importante avant son inscription au Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO, annoncée en 2023. Un tel classement représente une vraie reconnaissance de ces pratiques et des valeurs qui y sont associées. Et pour que ce ne soit pas qu’un classement, un plan de sauvegarde et de valorisation de la transhumance a été adopté sous forme de charte par tous les acteurs qui contribuent au projet.